Mongolie
Prélude: avant toute chose, veuillez noter que la Mongolie est strictement déconseillée :
– aux végétariens
– aux intolérants au gluten
– aux intolérants au gras
– aux intolérants au mouton
– aux intolérants au lactose
– aux amoureux de la gastronomie
– aux frileux
– aux pudiques des toilettes
– aux russophonophobes
– aux phobiques des chevaux et/ou de l’équitation
– aux amoureux des distances courtes sur des routes irréprochables
– aux amoureux de la forêt
Disons-le franchement, la Mongolie n’est pas un pays de grande gastronomie. Chaque repas se compose d’un gros bout de mouton non-nettoyé de son gras, coupé en lamelles, mis à cuire dans 1,5 litre d’huile jusqu’à obtention d’une texture dure et coriace. Ajouter deux patates en morceaux, une carotte, et des pâtes aux œufs recette spéciale supplément œufs, et éventuellement du bouillon. Accompagnez le tout d’un « thé mongol », au mieux un lait chaud coupé à l’eau sans sucre et avec parait-il des feuilles de thé, au pire un lait chaud coupé à l’eau toujours sans sucre et sans (goût de) thé, mais avec du sel. Si vous avez de la chance, on vous servira du « koumis », lait de jument fermenté… c’est du lait froid, pétillant, au goût très très prononcé de levure. « C’est comme s’il y avait une fête dans ma bouche et que tout le monde était malade » pour reprendre le descriptif si justement placé d’un Anglais de notre guesthouse…
Pour le petit déjeuner, des « madrouks », sortes de madeleine, accompagnées de confiture ou de … truc bizarre que Scott qualifie de « gras dans du gras », que je qualifierais plutôt de pâte à gâteau fade baignant dans du beurre fondu. En ce qui concerne les friandise, ne manquez pas non plus le… truc blanc ou crème, solide, d’aspect à mi-chemin entre le pop-corn et la crotte de pigeon, sorte de yoghourt bizarre et séché dont nous ne raffolons ni l’un ni l’autre. Vous l’aurez compris, on a hâte d’être en Chine ou au Japon !
Par ailleurs, il n’est pas inutile de savoir qu’en Mongolie, l’anglais ne servira (quasi) pas. Coincés entre la Chine et la Russie, quel intérêt d’apprendre l’anglais ? Si vous voulez pouvoir communiquer, tablez tout sur le russe !
Notre périple mongole démarre après un trajet de presque une semaine, qui nous amènera du nord de l’Inde à Oulan Bator, en passant par quelques jours de transit à Bangkok. Dès l’aéroport, le charme de l’imprévu nous sourit, et des étudiants en cinéma (je suppose) nous demandent de rentrer dans l’aéroport pour nous filmer en train d’en sortir… Que voulez-vous, on a de belles petites gueules. Prochaine étape : la couverture de Vogue.
On tente d’attraper un bus pour rejoindre tant bien que mal notre hôte en couchsurfing, qui malgré l’heure tardive à laquelle on atteint enfin son appartement, nous accueille avec chaleur. Nous passerons 5 jours dans cette famille, dont la fille vient de partir pour un an aux USA et dont le garçon de 7 ans battra Scott deux fois d’affilée aux échecs… Parmi eux nous apprenons le jeu des osselets, et plus généralement le mode de vie (encore largement nomade) des Mongols, qui changent de lieu de vie plusieurs fois l’an ! La famille nous emmène d’ailleurs un jour à 80km de la capitale pour s’occuper de leur yourte (ou plutôt gher, yourte est un mot russe) perdue au milieu de rien, où paissent leurs 1000 moutons et 14 vaches. Une banalité par ici…
Ce que nous retiendrons surtout de cette expérience, outre qu’il est beaucoup plus difficile que je ne l’imaginais de traire une vache même conciliante, c’est qu’une fois hors de la ville, le vent souffle ! Et sous le froid mordant, nos doigts et oreilles menacent de tomber (on est à la mi-septembre, et ici en plein hiver on descend à moins 40 sans souci). Nous partons donc dès le lendemain sur le marché (narantuul ou black market) que nous avait montré notre hôte le premier jour, accompagné de la grand-mère, pour acheter des leggins à fourrure, et un gros manteaux d’hiver pour moi.
Le jour suivant nous nous attachons surtout à trouver une guesthouse à prix normal et une agence proposant des treks à cheval. Nous atterrissons finalement à la Meg’s guesthouse (à coté du department store – voir aussi la golden Gobi guesthouse à deux pas), tenue par une charmante jeune femme qui vous fait tout de suite vous sentir à l’aise, et qui propose des tours équestres à prix, sinon raisonnables, du moins le moins déconné de ce qu’on a trouvé (c’est la fin de la saison, on est déjà bien content de pouvoir encore le faire). Nous passons deux nuits là à attendre que la météo annonce plusieurs jours consécutifs sans pluie, avant de filer au nord-est dans le parc national de Terelj pour passer trois jours sur un cheval. À déconseiller à ceux qui ont peur des chevaux et n’ont jamais monté. Ici, pas de chichi, on ne parle pas anglais. Ton cheval est là. Tu le vois? Tu le montes. Tu le montes? Tu me suis. Des questions ? Heureusement car de toute façon on ne vous comprend pas. Malgré notre niveau plus que basique, et notre lenteur, nous nous en sortons plutôt bien, et c’est avec fierté que j’annonce à Scott que je ne me considère pas trop comme une bite à cheval. Même si j’ai plutôt l’impression que ma monture obéit parce qu’elle le veut bien…
Dans le parc, la famille nomade qui nous héberge est très accueillante et désireuse de communiquer, mais seule la femme parle quelques mots d’anglais, et la communication gestuelle reste très limitative. Nous partageons les repas dans leur gher, mais nous avons notre propre gher rien qu’à nous, avec notre poêle et notre feu qui s’éteint toutes les heures… les nuits furent bien froides, en témoigne le givre qui recouvre les pelouses au matin. Nous les aidons également dans leurs tâches quotidiennes : ramasser du bois, enfermer les veaux dans un enclos pour la nuit, ramasser le crottin de vache pour le faire sécher (matière combustible… qui étonnamment dégage une odeur d’encens en brûlant!) ; notre guide (environ 15 ans) nous propose même de nous essayer au tir à l’arc.
Nous repartons le troisième jour en char à bœufs jusqu’à la ville de Terelj, expérience édifiante consistant à avancer plus lentement qu’à pied et en vous défonçant le coccyx. De là nous prenons un minibus puis un bus jusqu’à Oulan Bator (normalement des bus directs circulent tous les jours, mais pas ce jour-là…), où nous savourons notre première douche en trois jours, et nous empressons de lessiver les vêtements que nous portons jour et nuit depuis le départ. Nous passons les deux journées suivantes à nous reposer, d’autant que Scott a vraiment pris froid pendant les nuits, et nous fait même une petite poussée de fièvre.
Une fois bien reposés, nous prenons nos renseignements sur la fête de l’aigle qui a bientôt lieu à Olgi (ou Ulgi… ou Ölgii), à 1700km à l’ouest. Deux options pour s’y rendre: un vol intérieur hors de prix, ou un trajet en bus… Palme d’or de notre transport le plus long… et probablement le plus inconfortable !! (Quoique le train de nuit en Birmanie…). Imaginez: un bus pas très grand et sans coffre. Première étape: charger des marchandises, que l’on case en-dessous des sièges, dont l’assise est amovible (et ne cessera de bouger sur tout le trajet…). Vient ensuite le tour des sac à dos des touristes, que l’on case où l’on peut, dans la rangée, derrière les sièges arrières, etc. Ensuite, on invite les touristes à s’installer, et c’est là qu’on se rend compte que, outre l’assise amovible qui ne cesse de glisser, les sièges ne remontent pas plus haut que les omoplates. Pas d’ appuie-tête… pas d’espace pour les jambes. Heureusement, on est situés juste prés de la porte du bus, il n’y a donc personne devant nous, on peut bouger les guibolles… mais la porte n’est pas étanche, et le vent ne cesse de nous glacer les pieds et les mollets. En revanche, le chauffage étant situé juste sous nos fesses, on ne meurt pas de froid, bien au contraire.
Mais on ne s’arrête pas là! Vient ensuite le tour des Mongols qui eux aussi souhaitent faire le trajet. Plus de siège de libre? Qu’à cela ne tienne, on les installe sur les sacs à dos entassés dans la rangée… Départ avec déjà une heure de retard environ, ce trajet restera probablement le plus long et le plus pénible de tous les temps! Surcharge? Meuuuuh non, juste trois arrêts pour changer une roue.
Ça vous semble pénible comme conditions de voyage? Ahaha à qui le dites vous. Les routes sont des plus mauvaises, et 1600 km c’est long, très long, très très trèèèès long… durée annoncée de 48 heures (44 avec de la chance, 60 sinon). Oui, on a dû passer une après-midi, une nuit, une journée complète, une nuit, une matinée et une après-midi dans ce bus… Et vous savez quoi? en Mongolie il fait froid… très froid… le premier soir on a eu droit à de la bonne chute de neige, et la nuit il gèle… à l’intérieur du bus, la buée sur les vitres, elle est solide. C’est sympa pour s’appuyer…
On ne s’arrête que pour manger, à horaire variable, des choses grasses et pleines de viandes.
Bref, on arrive finalement à Olgi, petite ville sans trop d’intérêt, mais prise d’assaut pour ce week-end spécial de la fête de l’aigle. On cherche des hôtels, et de bons plans foireux en contacts bizarres, on finit par atterrir, nous deux et deux Français avec qui on a sympathisé dans le bus (on a eu le temps pour ça…) chez des particuliers qui nous louent leur salon pour un prix honnête. Tout ce qui nous intéresse, c’est d’avoir chaud la nuit, et ici il y a un radiateur et des murs solides (pas comme dans une yourte glaciale). Il est quand même comique de se dire qu’on a payé une « chambre » sans lit et sans douche. On dort par terre sur le tapis, et on va aux douches publiques.
On trouve dans le ville un resto turc, qui sert des plats copieux et savoureux, et qui pour une fois ne baignent pas dans l’huile. Nous y allons à quasi chaque repas, y retrouvant avec amusement tous les touristes du bus.
Le samedi matin nous partons en bus vers le site du festival, une plaine battue par le vent entourée de quelques montagnes, avec .. rien ! Deux ou trois lignes de démarcations ont été tracées à la peinture ou à la craie, quelques échoppes vendent boissons et biscuits hors de prix, et bien sur des souvenirs artisanaux en cuir, en bois, en tissage (même des pattes d’aigles!), et au fur et à mesure de la journée, de plus en plus de stands de barbecue (best brochettes d’agneaux ever!!!) et de yourtes s’ installent. Une fois montée, les familles attaquent la cuisine, et sur le temps de midi il nous suffit d’entrer sans frapper, de nous asseoir et de dire le nombre de crêpes grasse farcies de viandes grasses cuites dans l’huile bouillante que nous espérons être capables d’avaler.
Le programme du week-end impliquent des démonstrations et des concours de chasse à l’aigle, d’équitation (notamment un concours consistant à ramasser un bout de tissus sur le sol en plein galop), de course de chameaux (super poilus-laineux par ici), de tir à l’arc, etc, ainsi qu’une course étrange où les femmes poursuivent leurs hommes pour les frapper ! On voit également des loups (pour des photos payantes), et un jeu étrange où les participants (2 par 2), à cheval, doivent attraper un ballon placé au milieu du terrain. Lors de la deuxième phase, le gagnant agrippe le balon comme il l’entend et doit tenter de le garder, tandis que l’adversaire attrape un bout et tire de toutes ses forces pour le prendre. Sauf que le ballon… c’est un mouton! Mort bien sûr, décapité, et les 4 pattes coupées pour ne laisser que des moignons agrippables… âmes sensibles s’abstenir, l’écartèlement n’est pas loin!
Les participants défilent avant et après les concours au milieu des touristes, droits et fiers sur leur monture, paradant en habits traditionnels de fourrure, leur aigle sur le bras. Très impressionnés, nous avons l’étrange sentiment d’avoir été propulsés un siècle ou 2 en arrière, à la grande époque de Gengis Khan, le plus grand conquérant de l’histoire. À une exception près : parmi les participants, se trouve une jeune femme de 14 ans, événement apparemment inédit et très respecté par les locaux, fiers plutôt qu’indignés.
L’accès au festival inclut également un spectacle de danse au théâtre de Olgi le samedi soir, que je savoure particulièrement, mais qui laisse Scott plutôt indifférent. Je m’amuse de voir que même à travers les danses traditionnelles, par la gestuelle, ça crève les yeux que le peuple mongol, tel les Dothrakis, est un peuple de cavaliers.
Nous savourons autant que possible ce plongeon culturel… jusqu’à ce que mon estomac, qui n’en peut plus de la quantité abominable de choses terribles avalées ces derniers jours, choisisse précisément ce dimanche pour se retourner, se tordre et jouer au yoyo. Bref, le deuxième jour, Scott part avec la go pro et l’appareil photo, pendant que j’agonise chez notre hôte, tentant tant bien que mal de gérer mes vomissements dans les toilettes mongoles… à savoir un trou de 2 ou 3 mètres, recouvert de planches en bois percées d’un trou que pour tout l’or du monde vous ne toucheriez pas de quelque façon que ce soit, le tout plus ou moins clôturé par 3 parois pas assez haute, porte en option. Bref, il y a mieux pour être malade… Scott en revanche, revient excité comme un enfant, cartes mémoire saturées des photos et vidéos du jour.
C’est heureusement avec des jambes qui ont arrêté de flageoler que nous reprenons le bus de l’enfer pour retourner vers la capitale, dont nous ne bougerons plus. Un peu plus habitués, nous tentons tant bien que mal de profiter davantage des bons aspects du trajets, par exemple des ciels étoilés loin de toute source lumineuse pendant un arrêt pipi, ou encore la fameuse lune rousse, qui de ma fenêtre ressemble à un lever de soleil orange et me laisse bouche bée. Par contre je n’arrive toujours pas à me décider pour savoir si capter du wifi à plusieurs heures de route de tout village est une chose merveilleuse ou terrible…
Nous passons une bonne semaine de plus à Oulan Bator (UB), où nous pouvons cuisiner nous-mêmes, et usons et abusons des pâtes bolo, sans huile, sans beurre, sans olive, sans fromage… non je déconne, plein de fromage !! Nous tentons également de visiter un peu mieux la ville, mais le musée national semble fermer à chaque fois que nous tentons d’y aller, et le ‘gengis khan square’ se parcourt rapidement. Par ailleurs, on est en plein dans la rugby worldcup, que Scott suit assidûment au café du coin avec Dave, un quarantenaire en transit entre deux vies qui séjourne dans la même guesthouse que nous. Ils passent donc leurs soirées au bar revolution, où Scott négociera même un contrat : de bonnes photos pour leur site et leur page facebook, en échange de bières gratuites sur les 3 soirées suivantes. Les matinées ne sont donc pas franchement actives, ce dont je ne me plains pas du tout, marmotte que je suis.
Finalement arrive l’heure du départ. Un chauffeur vient nous chercher à… 4 heure du matin (aouch) pour nous emmener à l’aéroport, direction Thaïlande (encore!)
La Mongolie est mon rêve, et votre recit est super complet et les photos donnent vraiment envie 🙂
Merci beaucoup d’avoir tout partager 🙂